Parce que nous sommes tellement émerveillés de ce que nos juments semblent vouloir partager volontairement avec nous année après année, nous ne pouvons faire autrement que de le partager à notre tour. Voici donc quelques lignes relatant la naissance du beau et tendre Dreamer et j’espère un peu de la magie de cette nuit… Parce qu’il y a du grand dans ce petit poulain !
Tout a commencé il y a un peu moins d’un an. Les pommiers étaient encore en fleurs, l’herbe avait cette teinte vert tendre et, au cœur de nos montagnes, un étalon et une jument se faisaient la cour… 338 jours plus tard, nous sentons l’imminence de la naissance. La nuit est tombée. On rassemble lampes de poche et manteaux bien chauds, le « kit poulain » qui contient tout le nécessaire, et bien sûr une thermos de thé noir, puis direction la grange (que les chevaux ont en accès libre). Au terme de sa gestation, Sunny est belle, rayonnante et en pleine santé. Même si elle s’essouffle plus vite désormais, elle trottinait et galopait encore ce matin à flanc de colline et cette activité continue lui a permis de conserver toute sa musculature (notamment dos, sangle abdominale) ainsi que la vitalité nécessaire à un accouchement. Une caresse. Elle a le poitrail humide de sueur. Mais elle continue de manger paisiblement son foin.
On s’installe un peu à l’écart. Nous avons éteint la lampe de poche et Sunny n’est plus qu’une ombre chinoise se découpant sur le ciel étoilé. Je ferme les yeux. J’essaie de prendre un peu de repos. Incroyable comme la paille est confortable et le foin parfumé. Qu’est-ce qu’on peut être heureux, là, simplement tous les deux, partageant main dans la main le même rêve et le même lit de paille. Moins d’une demi-heure s’est écoulée. Sunny vient nous voir puis s’éclipse et quitte l’écurie. Peut-être est-elle allée boire. Ou peut-être a-t-elle ressenti le besoin de marcher un peu pour faciliter le travail et le bon positionnement du poulain. Dix minutes plus tard, la voici de retour. Elle vient vers nous, s’écarte, revient nous renifler : simples visites amicales ou cherche-t-elle à nous dire quelque chose ? Puis elle s’éloigne à nouveau de quelques pas. Là, elle se couche. Dans l’obscurité, j’entends sa respiration qui s’accélère. Elle se relève. Se recouche à nouveau. Mon cœur fait un bond : c’est pour maintenant !
On entend la poche des eaux qui se rompt. A la douce lueur de la lampe, on distingue déjà la petite poche blanche. Puis très vite les deux pieds et la tête. Le passage des épaules est un peu plus délicat : brièvement, le poulain semble comme ré-aspiré à l’intérieur puis, à la contraction suivante, le voilà passé ! Le tout s’est déroulé en quelques minutes à peine. Sunny est aussitôt debout et se retourne pour rencontrer son bébé. Les instants qui suivent sont bénis : toujours sans intervenir – c’est que ce moment n’appartient qu’à eux -, nous regardons ces deux êtres se découvrir, s’accueillir de petits hennissements graves et doux, se contempler, se sentir, se toucher… Sunny fait la preuve de tout son savoir-faire de maman. Tandis qu’elle le lèche, le sèche, le réchauffe, tout le troupeau s’est rassemblé, de sorte qu’humains et chevaux, nous formons comme un soleil autour du nouveau-né. Comme à chaque fois, j’ai le cœur qui bat à tout rompre, à l’unisson des cœurs des chevaux dont l’émotion est palpable en cette nuit de fête. Summer, du haut de ses dix mois, vient d’assister pour la première fois à la venue au monde d’un des siens ; elle est dans tous ses états. Surprise, qui sera un jour amenée elle aussi à donner la vie, a tout observé avec une extrême attention, comme si elle savait… Minuit (soit un quart d’heure après sa naissance), le petit gars est déjà debout, antérieurs et postérieurs largement écartés pour assurer son équilibre mais ce ne sera pas suffisant, il retombe. Prend des forces. Prend son temps. Ne tentera de se relever que lorsqu’il sera parfaitement prêt. Alors il se dirige aussitôt et sans hésitation vers les mamelles. Magie de l’instinct. Sagesse de la nature. Il pousse un petit hennissement de contentement tout en agitant sa petite queue : il a avalé sa première goulée ! Dans les jours qui suivront, je sais qu’il s’émerveillera encore et encore, comme à l’occasion de cette première tétée, de tout ce qu’il découvrira, verra, goûtera, sentira, touchera, éprouvera jusqu’à l’ivresse de la vitesse et de la maîtrise de ses longues jambes. Mais pour l’heure, il est bien fatigué et le pauvre ne sait pas encore comment se coucher. Avant qu’il ne s’écroule littéralement de sommeil, Yoann pense à le saluer à voix haute : bienvenue petit Awesome Dreamer ! A notre plus grande surprise, un petit hennissement sonore lui répondra. Comme si Dreamer lui rendait son salut, comme s’il reconnaissait la voix qui lui avait tellement parlé à travers le ventre de sa mère…
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